« L’amour véritable ne retient pas, il libère. »
Début d’une citation de Frédéric Lenoir sensée rencontrer l’assentiment de tous les lecteurs.
Et bien non, je ne suis pas d’accord. Je crois au contraire que l’amour retient, qu’il ne libère pas. Qu’il restreint nos choix.
Mais c’est de plein gré et avec une joie infinie. Quand nous voyons clairement ce que nous voulons, les autres options sont totalement inintéressantes. C’est une limitation de nos choix mais comme c’est bon ! Comme il est bon que nos choix possibles se réduisent pour qu’apparaisse clairement ce que l’on veut.
C’est le fondement même du choix : choisir c’est renoncer !
Oui l’amour retient. Oui il limite notre liberté en ne gardant qu’une personne parmi tant d’autres !
Car cet amour n’est pas une chose extérieure, c’est un état intérieur qui englobe tout notre être dans ses émotions, ses ressentis, sa volonté et sa chimie. Quand Lenoir parle d’amour véritable, il induit – volontairement ou non – l’idée d’un amour extérieur, qui comme le fait la loi de la gravitation nous impose d’être attiré à la Terre. Mais ce n’est pas le cas. L’amour est un état, et chaque amant vit cet état. Et c’est le sien. Et il n’existe que parce que l’autre vit une expérience similaire. Différente mais similaire.
Et il n’y a pas fusion. Il n’y a évidemment pas de fusion. Car la fusion ramène au un et aimer commence à 2.
Frédéric Lenoir écrit également : « Dans sa forme la plus authentique, l’amour relie deux êtres autonomes, indépendants, libres de leurs désirs et de leurs engagements”
il n’y a pas cette chose qui relie 2 êtres. Car ceux-ci perdraient de facto l’indépendance dont Lenoir invoque la nécessité.
Ce sont ces deux êtres qui créent ce lien et ainsi décident de céder une part d’indépendance.
Mais ils le font par leur volonté propre. Et il serait plus correct de dire que c’est ce qu’ils ressentent qui les amènent à ce choix tant la notion de volonté est plus que volatile lorsque le sentiment amoureux nous enveloppe.
L’espace entre les amants est à la fois espace de liberté et espace de vulnérabilité.
Car peut-on vraiment aimer sans quelque part se donner ?
En ce jour de Saint-Valentin, je veux voir au travers du sempiternel débat entre fête commerciale et célébration de l’amour. J’aime prendre ce que la vie m’apporte et ce jour m’offre l’occasion d’une réflexion sincère et profonde sur ce que le mot aimer veut dire.
Et sans doute que le chiffre 2 revêt toute son importance mais c’est un 2 enchevêtré. Il est fait de l’un et de l’autre sans jamais se confondre. Sans l’un il n’y a pas l’autre, en tout cas pas dans une relation amoureuse mais ne devrais-je pas dire dans une relation d’amour, ce qui évoque plus la durée, le maintien dans le temps d’une qualité relationnelle instable par nature, instable nécessairement. Car la relation d’amour ne persiste que parce qu’elle est en permanence renouvelée. En cela elle est une décision permanente, une répétition infinie de ce moment de choix où tous les autres choix passent au second plan. Car aimer est sans doute cette illusion que nous choisissons ce que nous avons déjà choisi.
Et c’est là que se situe l’enjeu majeur !
Si je ne suis pas présent à moi, ce n’est pas moi qui rencontre l’autre, ce n’est pas moi qui choisit l’autre.
Et si l’autre s’éloigne ou perd cette connexion à moi, si je ne le vois pas c’est que je n’était plus présent à moi.
Car l’amour peut engourdir et nous promettre des réveils douloureux.
Alors pourquoi nous laisser à cette torpeur quant nous pouvons savourer cet amour seconde après seconde, regard après regard ?
Par facilité sans doute. Nous aimerions tant que l’amour soit facile
Mais ce n’est pas le cas. L’amour est force de vie et va à l’encontre de l’inertie, de l’entropie, du laisser-aller.
Cela nécessite une attention de tous les instants.
Cela peut sembler éreintant mais c’est là que la magie amoureuse produit ses effets.
La dimension commerciale du 14 février tente de nous maintenir dans un sommeil consommateur. A nous de voir que la particularité de ce jour est de nous rappeler de rester éveillé. Pour aimer celui ou celle qui nous aime ou pour les personnes seules de revenir à soi pour reconnaître cet autre qui les fera aimées.